Douleur

Les douleurs pelviennes chroniques

Première notion :

Toutes les douleurs chroniques, quelles que soient leurs caractéristiques et leur intensité, ont des répercussions physiques, psychologiques d’une intensité parfois très importante, et affectent le quotidien de la personne (femme ou homme .. et oui, y a pas que nous) qui en souffre.

Si leur prise en charge initiale est médicamenteuse et éventuellement chirurgicale, de plus en plus, la qualité de vie fortement impactée requiert d’autres thérapies alternatives qui arrivent bien souvent tardivement dans le processus de soins.  Elle sera pluridisciplinaire et centrée sur le patient.  

Plus la prise en charge est précoce, plus les patients sont soulagés 

En effet, ces patient.e.s peuvent développer une hypersensibilisation progressive avec un seuil à la douleur abaissée et des boucles de la douleur exacerbées 

En France, la douleur constitue le premier motif de consultation

De plus en plus, la douleur n’est, d’ailleurs, plus considérée comme un symptôme mais comme une maladie.

La douleur pelvi-périnéale chronique concerne 20 à 40 % de la population : bien que son mécanisme et son intensité puissent être très variables, ses conséquences psychologiques, sociologiques, sérologiques et comportementales peuvent être majeures.

Il s’agit d’une maladie chronique, inflammatoire et systémique (= peut toucher tous les organes)

Cette triade est la plus fréquente :

-dysménorrhée (douleur.s lors des règles) touche presque la moitié des femmes

-dyspareunie (douleur.s lors des rapports sexuels*) 

-douleurs pelviennes chroniques (car présentes pendant 3 mois minimum)

  • qu’entend-on par rapport sexuel ? Les pénétrations vaginale (et anale) peuvent être douloureuses mais aussi les caresses externes, vulvaires (vulvodynies)

Si l’endométriose touche 1 femme sur 10 en France (voire 1 femme sur 7), les lésions retrouvées n’expliquent pas à elles seules les douleurs ressenties par les patientes, leur localisation et leur degré d’infiltration ne sont pas forcément proportionnelles avec la sévérité des plaintes, ce qui rend les profils des patientes hétérogènes et leur prise en charge si complexe, avec un parcours « médical » erratique (en moyenne 7 ans de consultation pour un diagnostic) que ces femmes finissent par renoncer à leur vie (qualité de vie) mentale et sociale.

Les douleurs pelvi-périnéales chroniques sont 

- localisées au niveau du pelvis, du périnée et des zones environnantes 

- présentes depuis au moins 6 mois (3 mois)

- non cycliques (non rythmées)

- non calmées par les antalgiques usuels (paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdiens)

Le saviez-vous ?

Bien que plus fréquentes chez les femmes, les douleurs pelvi-périnéales touchent aussi les hommes.  Les hommes ont aussi un périnée et un pelvis!

Comment sont-elles ressenties ?

Leurs localisations 

rectum

périnée

urètre 

organes génitaux

vulve (femmes)

Leurs caractéristiques 

sensation de brûlure

sensation de tiraillements 

sensation de pincement

sensation de corps étranger

Des douleurs musculaires (syndromes myofasciaux) peuvent être associées au niveau

du dos

des fesses

des cuisses

des jambes

Si cela ne suffit pas, des troubles urinaires (sensations de cystite chronique, pollakiurie - sensation de devoir faire pipi, une pression pour uriner quelques gouttes, prostatite …, pesanteur..) et / ou des troubles de l’exonération (difficultés /douleurs pour aller à selles). 

Repères-clés : les Douleurs pelviennes chroniques

  • les douleurs pelviennes chroniques sont reconnues par l’OMS comme une affection débilitante chez les femmes impactant la qualité de vie (2006 P.Latthe)
  • Les douleurs pelviennes chroniques touchent environ 26% de la population féminine dans le monde
  • Il y a entre 10 000 et 50 000 nouveaux cas de douleurs pelvi-périnéales chroniques pris en charge par an en urologie en France
  • Les douleurs pelviennes chroniques représenteraient entre 10 et 30% des consultations en gynécologie (2013, P.Marès)

Leur impact est si important sur la vie des personnes qui en souffrent qu’elles sont sources d’anxiété, de dépression, de troubles émotionnels (avec des syndromes de choc post-traumatiques) et vont influencer négativement la vie des personnes : sexuelle (rapports sexuels douloureux, diminution du désir sexuel et complication de la vie de couple), familiale, professionnelle (efficacité diminuée au travail) et sociale.

Un mal bien difficile à diagnostiquer décidément 

Les douleurs pelvi-périnéales chroniques peuvent être d’origine indéterminée ou avoir plusieurs causes, ce qui rend leur diagnostic et leurs causes difficiles à établir (avoir une cause unique à un symptôme permet une prise en charge/traitement ciblé et parfois simple - ne pas retrouver de causes -soit qu’elles aient disparues* soit qu’elles soient si nombreuses que pas toutes nommées rend le traitement compliqué : quelle chirurgie? Un ou plusieurs médicaments avec leurs effets secondaires …)

  • certaines douleurs chroniques peuvent être provoquées par une infection (mycose ou vaginose pex) qui a été soignée depuis longtemps mais qui a créé une espèce de boucle de mémoire douloureuse ou « arc réflexe douloureux »

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petit encart que vous avez peut-être déjà lu (cf capsule de l’endométriose ou douleur chronique)

Ah oui : Un arc réflexe douloureux ? Kesako  maintenant ?

Liée à des phénomènes inflammatoires mais également à des anomalies touchant les fibres nerveuses localement mais aussi au niveau des récepteurs centraux de la douleur dans le cerveau, les seuils douloureux sont abaissés 

Et un cercle vicieux s’installe

La stimulation répétitive des fibres nerveuses atteintes ou concernées sera responsable d’un  renforcement de la sensation douloureuse

  • stimulations persistantes et répétées 
  • Conduction accélérée le long des fibres nerveuses
  • Plus grande mémoire de la douleur dans le cortex cérébral (le cerveau)
  • Hyperalgésie : sensation douloureuse renforcée des prochains événements douloureux 

Le stress influence les symptômes douloureux et vice versa : le niveau de stress et les troubles psychologiques augmentent l’intensité de la douleur, ces patientes entrent dans un état de détresse chronique.

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Comment repérer ce phénomène de sensibilisation ?

Un outil d’évaluation de la sensibilisation pelvienne a été conçu par un panel d’experts (Levesque A, 2018 convergence PP) 

Remarque :

À la place de comorbidités, on peut lire aussi syndromes associés : liste non exhaustive

migraines et/ou 

céphalées de tension et/ou 

fibromyalgie et/ou 

syndrome de fatigue chronique et/ou 

syndrome de stress post-traumatique et/ou 

syndrome des jambes sans repos et/ou 

SADAM (syndrome algo-dysfonctionnel de l’appareil mandicateur /mâchoire) et/ou intolérances multiples aux produits chimiques 

Leurs causes ou leurs origines peuvent de plus devenir des symptômes qui s’associent à la douleur initiale ainsi, ce syndrome englobe

  • des douleurs/origines neurologiques : névralgie pudendale
  • Des douleurs/origines urologiques : prostatites chroniques / cystites chroniques / mictions impérieuses avec incontinence d’urgence / pollakiurie avec tout petits pipi pour lesquels il faut « pousser » / …) / infections à répétition
  • Des douleurs /origines veineuses : insuffisance veineuse pelvienne (syndrome de congestion pelvienne)
  • Des douleurs/origines gastro-intestinales : syndrome de l’intestin irritable / maladie cœliaque / douleurs pour éliminer les selles / alternance constipation -diarrhée / ballonnements / gonflements …
  • Des douleurs/origines musculo-squelettiques : syndromes myofasciaux (fesses, cuisses, lombalgies ..) / coccydynies ( douleurs au coccyx) / syndrome de Maigne (ou douleurs projetées sur d’autres territoires cutanés) / lombalgies / douleurs d’épaule par compression du diaphragme 
  • Des douleurs/origines gynécologiques : dysménorrhée / adénomyose / endométriose / kystes / fibromes / malformations utérines / hypercontractilité utérine / douleurs dans le bas-ventre en dehors des règles…
  • Des symptômes plus généraux : fatigue chronique, asthénie (sensation d’épuisement), stations debout /assise difficiles, migraines ….

Veuillez noter que ces « douleurs/origines » peuvent être des symptômes ou des maladies, à ce stade, la distinction n’est plus pertinente

Pour aller plus loin….

Focus sur la névralgie pudendale (syndrome du canal d’Alcock)

1 à 2 % de la population française en souffrirait 

Son nom vient du latin pudendus = honteux

C’est une atteinte du nerf pudendal soit constitutionnelle (compression du nerf dans une pince ligamentaire pex, soit secondaire à des lésions sur le nerf post-opératoires, post-traumatiques ou post-obstétricales

La position assise est difficile avec un impact marqué sur la vie des patients et une répercussion sur la vie des patients (hommes et femmes à l’âge adulte)

L’évolution évolue vers une aggravation si pas de prise en charge en algologie et  pluridisciplinaire (voire chirurgicale) avec une amélioration d’au moins 50%des douleurs à 1 an chez 70% des patients

Le diagnostic repose sur les critères de Nantes

Focus sur l’endométriose (cf 18-l’endométriose)

C’est une affection chronique gynécologique caractérisée par la présence de fragments de muqueuse utérines (endomètre) en dehors de leur localisation normale

Les signes d’appel = les 6D

Dysménorrhées intenses (résistantes aux traitements antalgiques classiques, entraînant un absentéisme, malaises, vomissements)

Dyspareunies profondes (ce qui pénètre butte au « fond »)

Dysurie ou sensations urinaires à recrudescence lors des règles

Dyschésie ou douleur à la défécation à recrudescence lors des règles avec parfois des saignements rectaux

Douleurs pelviennes chroniques liées à une hypersensibilisation pelvienne et périnéale (qualité de vie)

Dysfertilité (ce n’est pas le symptôme le + fréquent : 40% des cas d’infertilité sont dus à l’endométriose)

N’OUBLIEZ PAS NON PLUS

Il existe d’autres symptômes comme la fatigue chronique, les troubles fonctionnels intestinaux (> 90% des patientes), les lombalgies …

10% des femmes sont atteintes d’endométriose 

70% des femmes atteintes d’endométriose souffrent de douleurs chroniques invalidantes

62% des femmes pensent qu’il est normal d’avoir mal pendant les règles (IPSOS 2019)

Les douleurs pelviennes chroniques sont donc fréquentes, invalidantes et restent méconnues.

Leurs impacts sur la qualité de vie des patientes n’est pas négligeables et de plus en plus, des questionnaires les abordent (je vous invite à remplir ces questionnaires disponibles sur mon site)

Un exemple :

Il existe deux outils d’évaluation de la qualité de vie spécifiquement conçus pour les femmes qui souffrent d’endométriose, appelés EHP (Endometriosis Health Profiles). Le plus simple, dit « EHP-5 », contient 11 questions auxquelles les patientes doivent répondre par Toujours, Souvent, Parfois, Rarement ou Jamais : « Au cours des 4 dernières semaines, combien de fois, du fait de votre endométriose :

  • Avez-vous éprouvé des difficultés à marcher du fait de vos douleurs ?
  • Avez-vous l’impression que vos symptômes réglaient votre vie ?
  • Avez-vous eu des changements d’humeur ?
  • Avez-vous l’impression que les autres ne comprenaient pas ce que vous enduriez ?
  • Avez-vous eu l’impression que votre apparence avait changée ?
  • Avez-vous été incapable d’assurer des obligations professionnelles du fait des douleurs ?
  • Avez-vous trouvé difficile de vous occuper de votre (vos) enfant(s) ?
  • Vous êtes-vous sentie inquiète à l’idée d’avoir des rapports sexuels à cause de la douleur ?
  • Avez-vous eu le sentiment que les médecins pensaient que c’était dans votre tête ?
  • Avez-vous été déçue parce que le traitement ne marchait pas ?
  • Vous êtes-vous sentie déprimée face à l’éventualité de ne pas avoir d’enfants ou d’autres enfants ? »

Il existe une version plus longue de ce questionnaire, le « EHP-30 », qui complète les 11 questions du EHP-5 avec 19 questions supplémentaires portant sur, par exemple, l’appétit, la douleur, le sommeil, la colère, la dépression, le sentiment de solitude, la confiance en soi, la capacité à changer de position, etc.

Leur prise en charge est globale et multidisciplinaire et le soulagement de la douleur est essentiel en parallèle : solutions médicamenteuses e/o thérapies alternatives non médicamenteuses :

électrothérapie TENS 

sophrologie - hypnose - yoga - acupuncture 

psychologie (EMDR et suivi des trauma) - sexologie

ostéopathie - kinésithérapie - thérapie manuelle

algologie

spécialités d’organes : urologie, gynécologie, rhumatologie, gastro-entérologie …

conseils en nutrithérapie ou diététique pour les troubles fonctionnels digestifs (gluten, syndrome du colon irritable … allergies alimentaires..)

Tout le monde s’accorde sur le fait de bouger et remettre du mouvement !

Un site : www.douleursperinealeschroniques.fr 

Des associations

AFVD www.association-avfd.com (association francophone pour vaincre les douleurs)

SCP www.info-congestionpelvienne.fr (association du syndrome de congestion pelvienne)

AINP www.association-Ain.com (association d’information sur la névralgie pudendale et les douleurs pelvi-périnéales)

AFCI www.asso-afci.org (association française de la cystite interstitielle)

Périnée bien-aimé www.perinee-bien-aime.fr (association pour la promotion du diagnostic et de la prise en charge des douleurs périnéales et vulvaires) 

pour aller plus loin si vous le désirez,

je vous invite à lire les capsules suivantes, notamment

  • Adopter un mode de vie sain
  • Notions sur la fertilité
  • L’endométriose
  • les fascias (onglet Yoga)
  • la douleur chronique
Le texte est de Vinciane Biernaux. Si vous l’utilisez, merci de créditer l’auteur.