Je vais aborder la douleur chronique, je ne prétends nullement en être une spécialiste. Alors là sûrement pas, la médecine et la douleur … moi j’ai appris que c’était un signe clinique comme une tension artérielle ou une claudication. Douleur aiguë et douleur chronique : si le signe clinique est la douleur aiguë, la douleur chronique ce serait quoi? Un syndrome ? Une maladie ? … On n’en parlait pas pendant mes études. Elle n’existait tout simplement pas dans ma formation médicale initiale.
Pourquoi avons-nous mal ? En fait ….
la douleur peut être bénéfique : elle est alors aiguë et agit comme un signal d’alarme : DANGER ! Il existe un risque de blessure, de brûlure, une infection, un os cassé … la douleur va alors nous signaler que nous sommes en DANGER et qu’il faut se PROTÉGER, et se SOIGNER : une action est requise. Ceci est un des nombreux systèmes dont nous disposons pour vivre : un système digestif, un système nerveux …. Et un système de la douleur : des fibres nerveuses spécialisées (et un cerveau).
Tous ces systèmes (digestif, nerveux, endocrinien, musculaire …) peuvent ne pas fonctionner correctement donc, pourquoi le système de la douleur ferait-il exception ? Et quels en seraient les mécanismes ?
soit en ne transmettant pas suffisamment la douleur / le danger (et même, il existe certaines conditions physiques qui empêchent de ressentir toute douleur)… super me direz-vous … mais la peur (et donc la prudence) et l’apprentissage seraient, ainsi, impossibles avec de graves blessures à la clé qui pourraient en prime s’infecter…
soit en provoquant une sensation trop importante : la moindre chose est alors excessivement douloureuse, voire même de simples gestes (comme être touché.e ou encore pire, un geste banal, quotidien, de tous les jours) deviennent de plus en plus douloureux voire intenables, ou même des douleurs apparaissent sans raison, d’une manière aléatoire et imprévisible : ceci est plus ce qui se passe dans la douleur chronique.
Les causes de la douleur
Le système de la douleur est un système vivant composé de cellules, des cellules nerveuses (aka neurones), qui s’adaptent, se modifient, changent (comme toutes les cellules de notre corps, d’ailleurs). Certaines de ces cellules peuvent devenir + sensibles, l’hypersensibilité est un phénomène physique, observable et mesurable. Les douleurs excessives ne sont dans pas dans la tête, elles existent : ces cellules sont devenues trop sensibles et /ou réagissent trop facilement ou excessivement.
Ce phénomène est adaptatif : après une blessure, de SURprotéger la zone blessée lui permet de guérir plus vite et de rétablir ainsi rapidement l’intégrité du corps : ceci était (et l’est toujours) indispensable à la survie, à une époque pas si lointaine où non seulement les analgésiques n’existaient pas, mais aussi les chirurgiens ou les anesthésistes, ni les antibiotiques (l’infection survient plus fréquemment si la plaie reste ouverte plus longtemps …) : le corps va sécréter des substances pour rappeler de prendre soin de cette zone blessée ou qui doit guérir ou se cicatriser au plus vite et au mieux. Ce phénomène physiologique (et normal) ne dure que quelques semaines, le temps de guérir et ensuite, les choses rentrent dans l’ordre.
Parfois, ce phénomène physiologique (pour rappel et normal) ne régresse pas aussi vite, ou ne se concentre pas qu’à la zone blessée mais s’étend à d’autres régions du corps.
C’est l’hypersensibilité centrale
Les algologues (les spécialistes de la douleur qui travaillent dans les cliniques de la douleur) comparent cette hypersensibilité centrale à un système d’alarme incendie, qui se déclencherait au départ pour un feu dans votre maison : bruyante et irritante (le but est quand même de faire réagir et de sauver les occupants) mais qui deviendrait trop sensible et sonnerait même pour une bougie d’anniversaire pex, voire pour aucune flamme (ou fumée) et donc, finirait par PERTURBER la vie quotidienne en sonnant tout le temps. De même qu’une alarme incendie se règle, se calibre au risque d’avoir des fausses alertes trop fréquentes…le but de la prise en charge est de rendre les cellules nerveuses moins sensibles. Pour info, ce n’est malheureusement pas aussi simple dans le vivant.
La place du cerveau
Comme je vous le disais, la médecine avait une perception simpliste de la douleur : elle ne pouvait être que physique ou psychologique : il est difficile de soigner quelque chose qui ne se voit pas, tu cherches la lésion ou la maladie mais s’il n’y en a pas ou plus (la blessure a été guérie).. alors tu soignes quoi ?
Si tous les examens médicaux sont négatifs, on ne trouve rien … aucune blessure, tout est normal…. Alors c’est dans la tête ?
pour faire simple (et un peu trop schématique 😉 )
Beaucoup de progrès ont été accomplis ces 20 dernières années (approche bio-psychosociale) : la dichotomie physique / psychologique est maintenant abandonnée.
La douleur a 2 composantes : des signaux nerveux de « danger » issus du corps (< de la périphérie et je vous rappelle que les fascias qui sont « partout » dans le corps possèdent un grand nombre de récepteurs et seraient même plus impliqués dans nos perceptions physiques que les muscles pourtant fortement innervés déjà - cf les fascias) et une analyse et une interprétation complexes du cerveau, influencées par plein de facteurs (théorie bio-psychosociale) :
les fibres nerveuses du corps détectent un danger => l’information est envoyée au cerveau : ceci n’est pas suffisant pour déclencher un phénomène de douleur : le cerveau, et ceci est un processus inconscient (nous n’en avons pas conscience) et rapide, va analyser en premier lieu, les signaux reçus de la périphérie : à ce stade, la « douleur » n’est encore qu’un signal nerveux : selon plusieurs facteurs (mémoire, traumatisme ancien, croyance personnelle …), le cerveau va « colorer », « connoter » le signal : cela deviendra une douleur légère, modérée ou intense, ou sera complètement occulté et donc, indolore (comme lors d’une compétition sportive où on veut gagner à tout prix ou lors d’un accident où il faut agir pour sauver d’autres personnes …) : le cerveau intervient donc dans la « création » de la sensation douloureuse.
Le cerveau joue un rôle important dans TOUTE douleur, qu’elle soit physique (blessure, pex), ou liée à une maladie. Le traitement de toute douleur doit prendre en compte le rôle du cerveau dans la PERCEPTION de la douleur
Le cerveau va libérer des substances chimiques qui vont influencer la douleur : il peut ainsi bloquer les messages nerveux venant de certaines parties du corps (marcher sur une punaise fait mal mais sera négligé si vous marchez sur cette même punaise en fuyant un incendie) quand la survie de l’organisme est en jeu : un contrôle interne va diminuer la douleur
l’inhibition descendante
Les substances chimiques que le cerveau va produire vous en connaissez déjà quelques unes, c’est certain
L’inhibition descendante est donc activée par le cerveau mais ces substances chimiques libérées vont voyager dans tout le corps, notamment par la moelle épinière, dont une partie va transporter les messages tant chimiques que nerveux de cette voie inhibitrice vers le reste du corps : les substances chimiques vont agir en empêchant la communication entre 2 cellules nerveuses et bloquer les messages de danger liés à une blessure ou une inflammation.
la communication entre 2 cellules nerveuses (aka neurones)
Bien évidemment, les animaux possèdent ce système d’inhibition descendante : il a été découvert chez la souris dans les années 1970 (!!) et chez les poissons en 2013.
Ce système d’inhibition peut être activé par diverses techniques qui ne nécessitent pas toutes un incendie ou un lion menaçant pour fonctionner 😉 : ce faisant, on pourrait réduire une douleur résiduelle liée à une blessure ou à l’hypersensibilité centrale.
Super me direz-vous … oui … mais (il y en a souvent un…), le corps est bien fait et cherche l’équilibre, cela s’appelle l’homéostasie, il y a donc un système contraire, qui est capable d’amplifier les messages nerveux de danger via la libération de transmetteurs chimiques (comme la cholécystokinine, qui intervient dans de nombreux processus physiologiques comme la digestion, la satiété => injectée, elle va induire nausées, anxiété et diminuer l’envie de manger, on pense qu’elle intervient dans la tolérance à la morphine avec comme conséquence la nécessité d’augmenter ses doses, et serait un médiateur de l’hyperalgésie), qui vont aussi suivre la moelle épinière et atteindre la périphérie du corps : elles agissent de la même manière : en s’interposant entre 2 cellules nerveuses mais elles, elles amplifient la transmission des signaux nerveux dûs à une blessure ou à l’inflammation. Malheureusement quand ce processus est activé trop souvent, le corps s’adapte et devient hypersensible pour une longue durée :
il s’agit de la facilitation descendante
avec pour conséquences possibles, une « discordance » entre une petite blessure et une douleur importante, une douleur persistante sur une ancienne blessure, guérie depuis longtemps et on sait que la facilitation descendante peut rendre les fibres nerveuses sensibles en l’absence de blessure ou de lésion. Elle agit en amplifiant la douleur.
Certaines personnes ont génétiquement ce système hyperactif (naturellement de naissance) et seront donc plus susceptibles de développer une douleur persistante (et chronique) suite à une blessure, à une maladie, à des modifications habituelles comme l’arthrose ou des discopathies. D’autres facteurs existent
Vous l’avez compris, réduire l’activité de cette facilitation descendante est une des composantes importantes de la prise en charge de la douleur chronique.
Le ressenti de la douleur
Un petit scénario :
une soirée devant un film assis sur le divan. D’un côté, vous êtes avec un.e ami.e, le film est romantique ou comique, la lumière de la pièce est douce, vous êtes bien installé.e.s. Votre ami.e vous touche l’épaule. De l’autre côté, vous êtes seul.e, la pièce est dans le noir ou quasi et le film est un film d’horreur… quelqu’un vous touche l’épaule : moi, je crie de surprise si pas de peur… pourtant, objectivement c’est quasi le même geste : d’un côté c’est de la tendresse, amitié, amour .. de l’autre une menace : la différence ? Elle est au sein du cerveau qui «décide », « teinte » le ressenti du geste : agréable ou (franchement) désagréable.
Besoin d’un autre exemple ? Pensez à votre cou
le lien avec la douleur ? L’interprétation des signaux nerveux : si le cerveau interprète les signaux nerveux d’alarme comme n’étant pas une menace, il va libérer les médiateurs chimiques de l’inhibition et réduire la sensation : je reste relaxe, cool les gars… Au contraire, si le cerveau estime devoir avoir plus d’informations sur la zone ou sur ce qui se passe, il va en amplifier la perception via la facilitation descendante.
Une information périphérique arrive donc au cerveau => question : c’est quoi ? Je dois stresser ou je reste coooool ? Comment faire la part des choses pour le cerveau ? En se renseignant, en recherchant des informations complémentaires => compréhension de la situation.
Ici va intervenir la mémoire, votre mémoire
dans la recherche de l’information pour catégoriser la perception, le cerveau va chercher dans sa base de données (certaines études disent que l’on n’oublie rien mais que les émotions, le goût, l’odeur.. pensez à la madeleine de Proust- aident à « ramener » les évènements passés) : vous avez lu que ( !! Aïe Google)…, vous avez entendu que… on vous a dit que (je connais quelqu’un qui, tu sais, ..) … ou vous croyez que … (je suis toute cassée, je suis fragile, je me blesse toujours…) … la façon dont vous comprenez le problème à la base de la perception va influencer votre vie quotidienne :
mais non seulement cela, également l’intensité de la douleur liée à la perception : si vous liez, avec raison ou non (merci Google, qui n’est pas toujours notre ami..), votre perception avec un diagnostic, une menace sérieuse pour vous… votre corps va, logiquement, amplifier la perception pour protéger votre corps, votre intégrité (facilitation descendante) => la douleur fait plus mal… au contraire si l’information que vous recevez la relative : c’est normal pour l’âge, avec un peu de patience et d’exercices, cela va aller mieux …et si elle est plutôt rassurante, votre cerveau va amplifier les « bonnes » substances et diminuer la douleur (inhibition descendante).
Si vous êtes rassuré.e sur l’origine de la douleur : votre colonne va bien, il n’y a rien de fragile, vous ne risquez pas de vous « casser »…, si on modifie la compréhension de la douleur en clair, on encourage de nombreux effets positifs comme un mécanisme d’inhibition descendante qui peut persister jusqu’à 3 mois !
Comment expliquez- vous, vous, votre douleur ?
bref, comment pourriez-vous, de quelles informations auriez-vous besoin, pour penser à votre douleur en terme de facilitation descendante (-) ou inhibition descendante (+) ?
Où trouver ces informations ? Auprès de quel.le.s spécialiste.s ? Médecins, kinésithérapeutes, ostéopathes, algologues, psychologues, coaches de vie …..Là cela va se compliquer d’autant plus que la douleur est présente depuis longtemps.. sorry hein … 🙁
De plus amples informations ?
Notre cerveau reçoit énormément d’informations en même temps : position de nos articulations, la vue, les sons, le toucher, la chaleur .. si nous étions conscients de tout cela, de tous ces messages sensitifs, nous serions submergé.e.s : il n’y a qu’à penser à notre désarroi quand le téléphone sonne, que l’on vient vous parler en même temps et que vous réfléchissiez sérieusement à quelque chose (Ok, c’est un de mes exemples perso) … le cerveau va trier, heureusement pour nous !, tout cela et ne garder que les inputs pertinents (reste à savoir comment nous avons entrainé notre cerveau à considérer ce qui est pertinent ou ce qui ne l’est pas…) => votre conscience ne « voit » que ce qui est important (pour le plaisir, pour le danger, pour CET instant ..) à ce moment-ci, on ne captera pas ce qui se passe à l’intérieur de nous (notre digestion, notre coeur, …) ni à l’extérieur de nous (sentez-vous le toucher de vos chaussettes tout le temps ? Ou le bruit de fond … du moins avant que je ne l’écrive ) => tout cela reste latent, sous la surface de votre attention.
L’attention ou système d’attention sensorielle
le lien avec la douleur ? Ce mécanisme d’attention, de tri s’active dès la perception, c’est-à-dire avant que vous en soyez conscient.e, détermine si la perception est pertinente (alors la perception risque de devenir une douleur s’il s’agit d’une sensation désagréable) ou non (la perception restera sans signification douloureuse). Ce mécanisme de tri peut évidemment être dysfonctionnel en rendant le cerveau moins performant, moins efficace en sélectionnant une partie de votre corps, et en HYPER-sentir chaque perception comme si c’était HYPER important pour notre survie.
Une des bases d’aide dans la prise en charge de la douleur chronique est de ré-entraîner ce système d’attention sensorielle (revalidation).
La sélection (de l’attention)
Ou comment le cerveau sélectionne-t’il les signaux auxquels il reste attentif ?
Ou au contraire, comment le cerveau choisit-il d’ « oublier » certains signaux ?
Certains signaux sont par nature, spéciaux et nous en prenons quasi toujours conscience, ou bien simplement trop intenses (trop bruyants, trop lumineux … trop quelque chose..) ou trop étranges (inclassables du coup) : du coup, ils vont capter toute notre attention en cet instant.
Ou bien, nous avons appris à les sélectionner par choix, désirs ou objectifs, notre cerveau va les privilégier au détriment d’autres signaux (et OUI, on ne peut pas faire plusieurs choses en même temps - ou, du moins, pas trop de choses … 😉 ).
Mais OK et la douleur ?
La sélection va changer nos lunettes mais aussi nos perceptions corporelles : si la douleur est au centre de votre présent, le cerveau va se concentrer sur les informations centrées sur celle-ci, si au contraire, vos objectifs actuels sont autres, il va diminuer son attention sur celle-ci : changer mes objectifs peut changer ce que je ressens.
La modulation
Lors d’un concert, un ingénieur du son va « doser » le son qui vient de tous les musiciens sur scène surtout si il y a un solo par ex, le public va alors « mieux » entendre CE musicien, alors que tous les autres continuent peut-être à jouer. Notre cerveau fait pareil : il module et modifie les sensations.
Il existe des millions de cellules nerveuses (aka neurones), la modulation va concerner les choses importantes (alarme, curiosité, objectif, désir, nouveauté) et diminuer le reste.
Une croyance : plutôt que de DÉTOURNER mon attention de la douleur (ce qui est une stratégie), je préfèrerais RÉSOUDRE le problème. Ok, je comprends mais DÉTOURNER son attention n’est pas seulement une stratégie mais aussi une solution car cela va RÉDUIRE réellement le volume de l’activité nerveuse (les signaux nerveux de la douleur) dans le cerveau et la moelle épinière et ce, durablement et à long terme (neuroplasticité).
Résumons
La menace capte notre attention : le cerveau donne la priorité aux menaces : + elles sont élevées, + notre attention sera forte voire absolue : il s’agit de la focalisation.
3 pensées à propos de la douleur la rendent encore plus menaçante (et en augmenter l’intensité) :
Quelque chose de dangereux se passe à l’intérieur de mon corps
Cette douleur va m’empêcher de faire les choses que j’aime
Je vais souffrir pendant longtemps
Le cerveau va aussi avoir plus de mal à se focaliser sur autre chose que la douleur (risque de dépression) : ces « idées » négatives entraînent un cercle vicieux. Une des étapes de soin de la douleur chronique va être de sortir de ce cercle vicieux et essayer (ce n’est pas facile pour autant) d’entrer dans un cercle vertueux : avoir un contact avec un professionnel (de la douleur ou de la zone concernée..), recueillir un diagnostic ou pronostic honnête et être rassuré.e est un premier pas.
Des objectifs et priorités
Nos objectifs en matière de soulagement de la douleur vont influencer ce que nous ressentons. Il faut savoir que certains anti-douleurs peuvent en fait augmenter le processus : je ne veux pas avoir mal je prends un médicament, je ne veux pas avoir mal je prends un médicament… vous voyez ?
En simplifié, on se focalise plus encore et du coup, on augmente ce phénomène d’hypersensibilité centrale (importance de la communication thérapeutique).
Un plan de TRAITEMENT qui se baserait sur autre chose que cette douleur pourrait vous aider : DEFOCALISER. C’est l’approche bio-psychosociale : passer de « je ne veux plus avoir mal » à « j’améliore ma qualité de vie », aider notre cerveau à utiliser un autre filtre concernant les signaux prioritaires : avec le temps (et pour être honnête, cela va prendre beaucoup plus de temps dans le sens de la désensibilisation centrale que dans le sens de la sensibilisation centrale : nous avons été sélectionné.e.s depuis des millénaires à privilégier les signaux d’alarme - et c’est là où l’optimisme naturel (oui, oui il y a des gens qui naissent résolument optimistes !!!) devient une qualité pour toute sa vie (cela a été étudié en psychologie positive)…
mais alors j’ignore le problème et éventuellement son traitement si il existe ?
NON NON, mais cela va nous aider à SURMONTER la douleur dont nous souffrons : des études scientifiques ont montré que tenter de contrôler la douleur augmente justement l’attention portée sur les sensations corporelles (Journal of Pain, 2015 Durnez & Van Damme) : si je cherche à trouver la solution pour mon dos, mon cerveau va sélectionner, trier TOUT LE TEMPS les informations provenant de cette zone, plus j’ai le DÉSIR de contrôler cette douleur, plus je vais sentir mon bas du dos (attention sélective).
Modifier mon point de vue sur ma douleur, préférer la qualité de vie au soulagement de la douleur, permet à mon cerveau de se désensibiliser avec des modifications structurelles visibles en imagerie.
A quel point ma vie tourne-t’elle autour de ma douleur ?
Comment me décentrer et ré-ouvrir mon monde à autre chose que la douleur ?
3 astuces
1.
Ne pas chercher un traitement magique qui supprimerait FACILEMENT la douleur : facilement car si elle est chronique (= qui dure depuis minimum 3 à 6 mois), elle ne va pas partir avec un bouton ‘stop’
Ne pas mettre sa vie entre parenthèses en attendant que cela s’arrange : en vous privant de vos loisirs, joies .. en restant dans son fauteuil, cela ne fera qu’augmenter la tristesse et la dépression (qui est fréquemment associée à la douleur chronique) et maintiendra l’attention sur la douleur (focalisation renforcée) : il n’y pas grand chose à faire d’autre qu’à y penser dans son fauteuil en regardant dehors les gens qui eux ont l’air de ne pas souffrir …
Trouver des activités que l’on peut faire ( = du moment que la douleur n’augmente pas) ou des choses qui ont du sens : voir des gens, ses amis, bouger (marcher, nager … danser), entrer dans une équipe de bénévoles, se plonger dans ses hobbies, s’amuser. Il est important de reprendre ce que l’on faisait « avant » en ajustant, ou imparfaitement, ou différemment
2.
Ne pas analyser constamment sa douleur : où j’en suis ? Est-ce pire ou mieux que hier ? (Renforcement de l’attention et focalisation) mais voir ses progrès : je me sens plus en forme que hier quand je fais ma marche quotidienne, …. J’ai souri lors de ma session de danse à ma voisine… j’ai pu jouer avec mon chien / chat / petit-enfant /…
3.
Changer mes motivations : je fais ceci non pas pour diminuer ma douleur mais je le fais pour rester en forme et en bonne santé (malgré tout 😉 ), je médite non pas parce que je sais que cela diminue la douleur (et surtout j’attends bien entendu que cela diminue ma douleur !) mais parce que je suis calme et concentré.e et cela me permet d’accomplir mes objectifs ou de faire autre chose…
Apprendre à changer d’objectifs, de motivations, de priorités n’est pas facile mais aide à récupérer une qualité de vie. Lutter n’est pas toujours la solution pour réussir.
C’est ici que les techniques de pleine conscience, qu’il faut entraîner, peuvent aider :
si LA douleur apparaît, si elle est présente depuis longtemps (douleur chronique) ou si elle survient par crises, si vous avez déjà consulté et que vous avez été rassuré.e à propos de sa cause, vous pouvez « examiner » et prendre un temps : vous focalisez votre attention sur ce qui se passe : pas sur « je dois avoir moins mal » mais « comment j’ai mal » : la zone, les sensations corporelles (piqûre, chaleur, lancements, pression ..), l’intensité de cet instant, les réactions émotionnelles associées (colère, peur, tristesse, frustration, impatience, solitude ..) : accueillir et accepter ( de toute manière, à vrai dire, a-t’on un autre choix ? Cela fait des mois qu’elle est là) - prendre entre 3 et 10 respirations profondes, calmes et conscientes (cela fait tellement de bien de respirer). Ensuite portez votre attention sur autre chose : une autre zone de votre corps, une musique, le thé que vous buvez : soyez curieux.se, explorez tout ce que vous pouvez, tous les détails de votre nouveau centre d’intérêt.
Ensuite revenez sur la douleur et recommencez l’analyse complète de tout ce que vous pouvez recueillir à son sujet et reportez ensuite votre attention sur l’autre sujet (3 cycles au total), la motivation derrière cet exercice est importante : « je pratique ma flexibilité mentale », « j’analyse ma douleur d’une manière analytique, froidement et pas émotionnellement », « je renforce ma capacité à pouvoir faire autre chose quand j’ai mal », « j’entraîne mon aptitude à rester calme même dans les crises » (vous avez compris que cela va diminuer la facilitation descendante et renforcer l’inhibition descendante)…. À vous de trouver la phrase qui vous parle (changer de point de vue), n’hésitez pas à demander de l’aide, surtout si vous êtes « la douleur » depuis (trop) longtemps, pour construire cette motivation nouvelle.
Le sommeil et la douleur
La relation est dans les 2 sens :
si j’ai mal, je dors mal
mais 50% des insomniaques vont développer une douleur chronique :
Un mauvais sommeil est un facteur de risque majeur pour le développement d’une douleur persistante
Mauvais sommeil ? Insomnie (difficultés à s’endormir, nuits blanches) mais aussi, sa qualité : certaines nuits sont plus reposantes que d’autres, le sommeil est-il profond ou léger ? (et cela va expliquer les fluctuations des pics douloureux) (Sleep 2015 Vanini G.).
Ne sous-estimez pas l’effet du sommeil et n’hésitez pas à consulter un médecin du sommeil (somnologue) : prenez soin de mentionner tous les médicaments que vous prenez.
En attendant votre rendez-vous, limiter déjà certains comportements peut déjà aider : la lumière vive en soirée, les écrans d’ordinateur ou de smartphone (porter des lunettes oranges si vraiment vous êtes obligés de les utiliser). Écrire vos pensées récurrentes dans un carnet au lieu de les ressasser, ne pas regarder l’heure si vous vous réveillez. Si vous ne dormez pas, sortez de votre lit et faites autre chose mais choisissez un truc ennuyant ….
Enfin, méfiez-vous des opioïdes (morphine et codéine)
Ne faites pas d’auto-médication ! Si ils marchent PONCTUELLEMENT sur la douleur, leur prise régulière va entraîner non seulement un phénomène d’accoutumance (avec pour conséquence, des doses de + en + élevées avec de - en - d’effets) qui peut s’avérer dangereux pour votre vie, mais aussi une hyperalgésie induite par les opioïdes avec une activation de la « mémoire » de la douleur (système NMDA) surtout si vous fumez ou que vous fumiez avant.
Mais privilégiez les liens sociaux
les sentiments de solitude ou d’isolement social vont potentialiser la douleur
Lutter contre sa douleur et le repli sur soi et sortir, s’ouvrir aux autres, selon vos capacités du jour, est une des manières naturelles et accessibles (via l’ocytocine pex) de diminuer la douleur : l’ocytocine va du cerveau via la moelle épinière désactiver les cellules nerveuses impliquées dans la douleur physique (J. Endocrinol. 2015 Paloyelis Y)
D’autres approches complémentaires vont insister sur bien manger (éviter l’alimentation pro-inflammatoire : l’inflammation via les systèmes des fascias va augmenter la douleur), bouger (et mobiliser ses fascias, reprendre confiance en soi et en ses capacités), limiter les perturbateurs endocriniens (pour rappel, ils agissent dans notre corps par mimétisme avec nos propres hormones)
En résumé : la notion de douleur chronique en médecine est récente, et a été longtemps négligée. L’amélioration de la qualité de vie n’implique pas uniquement les médicaments (sous quelque forme que ce soit) mais demande un changement (NEUROPLASTICITE) dans nos cerveaux. C’est la prise en charge bio-psychosociale.
Cet article est rudimentaire, j’ai essayé de synthétiser ce que j’ai appris et collecté : vous l’avez compris, il n’y a pas de traitement miracle de la douleur chronique; chaque personne est unique avec sa mémoire, ses croyances… (et je vous rappelle qu’en face, le thérapeute a ses propres « casseroles », bagages et ensemble, il va falloir trouver un terrain d’entente et d’entendre ); ce n’est pas simple et facile.
Pour que, enfin, j’oublie d’avoir mal ;-)…. C’est ainsi que je parle quand j’ai mal
Si vous avez lu ce que j’ai écrit mais cela ne vous semble pas très clair, je vous invite à aller lire cette brochure, peut-être qu’elle vous parlera plus 😉
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